Repenser nos politiques mémorielles à La Réunion
Dans le débat mondial et national soulevé suite au meurtre raciste de Georges Floyd aux Etats Unis, nous tenons à réagir et à apporter notre contribution. Comme le dit le proverbe africain, « si tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens ».
Cette contestation mondiale a engendré en France et dans le monde un débat passionné autour du passé esclavagiste et colonial des pays les ayant pratiqués. Nous devrions pour notre île en tirer des leçons de manière urgente sur un territoire considéré comme l’un des plus inégalitaire de la République.
En pleine campagne électorale, nous constatons le silence d’une classe politique dont ce débat semble intéresser si peu. Et pourtant, la politique de l’amnésie historique amène aux pires ignorances, frustrations, extrémismes et racismes, comme nous le constatons à propos de l’intégration des populations nouvellement arrivées à La Réunion en provenance de l’océan Indien (Comoriens, Mahorais et Malgaches). Il en est de même concernant notre isolement régional et le peu d’intérêt accordé par nos élus, notamment avec notre environnement immédiat, l’Afrique et ses organisations de coopération internationale (Union Africaine, SADC, COMESA). Des conséquences peuvent être observées également dans les rapports sociaux s’agissant notamment de l’efficience du dialogue social en particulier au sein des collectivités locales.
Nous devrions aussi être interpellés sur le peu de considération des collectivités à propos des politiques muséales et patrimoniales relatives à l’Histoire de La Réunion et du peuple réunionnais, son passé esclavagiste et colonialiste, dont les effets perdurent et s’amplifient, notamment au niveau économique, social et humain.
Ainsi, nos enfants et petits-enfants se retrouvent devant un patrimoine muséal qui glorifie avant tout la faune et la flore au détriment de l’Histoire et du peuplement. Sur 10 musées régionaux et départementaux, seulement deux sont consacrés à ces problématiques mais à la marge et de manière dévalorisée pour la majeure partie de la population réunionnaise d’origine africaine et indienne (Domaine de Villèle et la quarantaine du Lazaret pour les engagés indiens). La majorité des espaces muséaux réunionnais donne l’impression qu’une plus grande importance est consacrée à la faune et à la flore de l’île (le Sucre, les tortues marines, le volcan, Museum naturel..) et à l’Histoire des dominants et des colonisateurs (Compagnie des Indes, Villèle, les sucriers).
Qu’en est-il également de la période coloniale et des politiques impérialistes organisées par l’Etat après la Départementalisation avec les fraudes électorales organisées, les répressions policières et anti-culturelles contre le maloya, la langue créole, les exils forcés des Fonctionnaires et des enfants réunionnais (Enfants de la Creuse) ?…
Alors que le président de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, le Premier Ministre Jean Marc Ayrault demande à ce que la Salle Colbert de l’Assemblée Nationale soit débaptisée, que feront les futurs maires de La Réunion et notamment ceux de Saint Paul et de Saint Denis à propos des rues Colbert ou Mahé de La Bourdonnais ?
Pour que ce silence ne soit pas interprété comme un déni de cette Histoire, il est de notre devoir de faire davantage œuvre de réparation, encore plus à La Réunion en tant que descendants entre autres d’esclaves et d’engagés.
Le Bureau Départemental du SAFPTR